29/09/2008

La poseuse, pose 9


L’été est passé.

Le portrait, à plat sur la table, est intact. Rouge.
Gilles parle des tentations régulièrement repoussées : l’envie de s’y remettre, de continuer le travail de mémoire, seul.

Après ces deux mois d’arrêt, je redécouvre les gestes du peintre. Beaucoup de précaution, beaucoup de délicatesse.

« Tiens, tu avais les yeux fermés. Je le retrouve sur la toile. »

Mon corps a oublié.
Tout.
L’ouverture des bras, l’axe, la cambrure du dos, le frôlement des talons, la contrainte…

(temps)
J’aime cette immobilité prolongée. J’aime cet instant où l’on bascule ailleurs, où le corps semble devenir factice, la pose une forme extérieure à soi-même.

« On dirait presque que tu es entrain de te lever. »

J’observe attentivement la toile. Je cache des bouts de silhouette. Comme un enfant, je cherche l’emboîtement juste de mon jouet. Il y a quelqu’un en haut ! Quelqu’un habite le sanctuaire rouge !
C’est émouvant ce qui vient d’apparaître. Fragile aussi. Je suis incapable d’exprimer cette joie. L’histoire de la peau de l’ours, vous savez. Taire le souhait le plus cher. Toutes ces petites superstitions qui constituent les rituels du désir…

Le soir, Gilles appelle.
« Cette fois, tout y est. Il manque juste le volume et la lumière. Je retravaillerai le visage aussi. »
A suivre...